L'immobilier : un marché encore très attractif

spécial conjoncture immobilière.


Emmanuel Ducasse, directeur régional des expertises Paris au Crédit Foncier, donne ses perspectives pour le marché de l'immobilier en 2005. INTERVIEW.

Comment s’est porté le marché de l’immobilier en 2004 ?

Emmanuel Ducasse : L’année 2004 a connu une forte hausse des prix, de l’ordre de 12% à 13%. Cette augmentation des prix a été alimentée par une offre encore très insuffisante par rapport à une demande solvable et « solvabilisée », dans un contexte général un peu dépressif. En effet, le pouvoir d’achat des ménages n’a pas évolué. Les taux d’intérêt, qui sont demeurés jusqu’à présent très attractifs et ne devraient pas baisser davantage, ont eu un effet d’accompagnement de la demande. Il faut noter que les prix ont augmenté de 60% en 5 ans et que l’immobilier est la première dépense des ménages en Ile-de-France (entre 25 et 30%), ce qui paraît donc intenable. Mais il y a eu un certain nombre de phénomènes correctifs, comme la solvabilisation par les taux longs, qui a été accompagnée d’un autre phénomène, à savoir l’allongement des durées. Ces deux éléments ont permis de gonfler, artificiellement, le pouvoir d’achat de l’accédant immobilier. Donc même avec une inflation entre 2 et 3 points, on a des taux d’emprunt réels extrêmement attractifs (autour de 2-2,5%). Ceux-ci ont néanmoins vocation à remonter, même s’ils devraient rester stables durant plusieurs mois. Un autre élément expliquant également la hausse des prix de l’immobilier est le déplacement de la demande vers des quartiers moins cotés et la réduction des surfaces habitables. Nous pensons que ces correctifs ont joué un certain temps mais ne vont pas continuer trop longtemps. Il faut encore noter que la pénurie de logements locatifs, jouant en faveur de la hausse des prix à l’achat, semble être désormais derrière nous. En effet, la demande locative demeure mais commence à plafonner. Nous estimons que le marché locatif va s’assagir.

Quid du marché de l’investissement immobilier ?

E. D. : Le marché de l’investissement tertiaire s’est très bien porté en 2004 en volume mais s’est réduit à quelques secteurs. C’est un marché de niche assez étroit, mais il a profité de la manne d’investisseurs étrangers. Leur intervention s’est traduite par une augmentation du volume d’activité et par une baisse des taux de rendement car ces investisseurs, en situation de forte concurrence, ont accepté des prix plus élevés. Parallèlement, le marché de l’utilisation des bureaux, le marché primaire, ne s’est pas bien porté en 2004. C’est un marché morose et convalescent, qui a souffert en 2003 et ne s’est pas vraiment redressé en 2004, car il est directement lié à la santé des entreprises. Il y a enfin le marché de l’immobilier commercial, qui a beaucoup intéressé les investisseurs particuliers et institutionnels, car c’est un placement à haut rendement et pas trop risqué. Toutefois, les loyers des boutiques tendent à stagner en raison d’une conjoncture actuelle peu favorable au petit commerce à Paris.

Les différents marchés immobiliers européens ont-il connu les mêmes évolutions que le marché français ?

E. D. : Il faut savoir qu’il n’y a pas d’interconnection entre les marchés européens. Par exemple, ce n’est pas parce que l’immobilier à Londres est extrêmement cher que les anglais viennent acheter à Paris. Par contre, on a pu constater des progressions de prix généralisées dans beaucoup de pays, avec notamment une hausse de 17% en Espagne,14% en Irlande, 10,7% en Italie, 3,8% aux Pays-Bas, 9,1% au Royaume-Uni et environ 10% en France. Alors que nous sommes dans un régime ascendant, l’Espagne a connu un pic de hausse des prix très forte depuis 2002, de même au Royaume-Uni. Il y a donc beaucoup de différences.

Quelles sont vos perspectives pour 2005 ?

E. D. : Nous nous attendons à une poursuite des hausses des prix car la demande devrait rester plus élevée que l’offre. Toutefois, la progression des prix devrait être moins forte en 2005 qu’elle ne l’a été en 2004. Le marché va commencer à s’assagir, ce que l’on constate déjà dans les arrondissements les plus onéreux de la capitale. Quand il y a un décalage entre le prix voulu par l’acheteur et celui du vendeur, il se produit un allongement des délais de vente. On peut donc s’attendre à ce que les délais moyens de ventes s’allongent. Le marché de la location devrait encore progresser, notamment sur les petites surfaces. Que ce soit pour l’accession ou la location, il y a encore un potentiel de hausse dans les quartiers populaires, directement lié au phénomène de rénovation urbaine. C’est pourquoi on a constaté des progressions de prix spectaculaires dans les quartiers populaires (18ème, 19ème, 20ème et 11ème arrondissements).

Pour conclure, est-ce encore intéressant d’investir dans l’immobilier ?

E. D. : Oui, c’est très intéressant en raison des taux d’intérêt très bas, qui demeurent un incitatif puissant. Pour le particulier, le studio et le deux-pièces offrent un bon rendement mais il faut prendre en compte le niveau élevé de rotation de locataires, qui implique des frais d’entretien assez lourds. Pour l’achat de bureaux, il faut raisonner en terme de risque locataire et de risque produit. Un produit très intéressant et qui est actuellement très recherché est la boutique : malgré une certaine morosité de la conjoncture économique, une boutique présente un intérêt évident car le rendement est plus élevé qu’en immobilier d’habitation et le statut du locataire commerçant est moins favorable que le statut du locataire d’habitation en cas de non-paiement du loyer. C’est donc un placement à considérer, mais il faut prendre aussi en compte le risque lié à la qualité d’emplacement de la boutique et aux perspectives de relocation en cas de départ de l’occupant.


Propos recueillis par Lucie Morlot
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